La culture kanak : entre coutume et modernité
Nouméa, Nouvelle-Calédonie, le 15 avril 2008
Parmi les îles mélanésiennes (c'est-à-dire les îles du sud-ouest du Pacifique), la Nouvelle-Calédonie est certainement celle dont le niveau de développement est le plus élevé. Quoiqu'on en pense, c'est certainement là le résultat d'une politique de colonisation active et constante de la part de la France. De fait, les populations indigènes de l'île, à savoir les Kanaks, ont subi une acculturation occidentale beaucoup plus forte que leurs frères du Vanuatu ou des îles Salomon.
Pour autant, même si les Kanaks ont aujourd'hui intégré dans leurs modes de vie la plupart des éléments de modernité, ils ont su conserver presque intacte leur culture traditionnelle, toujours régie par la coutume.
L'organisation sociale kanak repose sur deux piliers : le clan et la tribu. Le clan, c'est la famille au sens large, évoluant au gré des mariages et des naissances.
La tribu est un ensemble de clans qui vivent dans la même vallée et qui parlent une même langue. La tribu est dirigée par le "petit chef", assisté d'un conseil des Anciens qui se réunit dans la grande case, reconnaissable à sa haute flèche faîtière en bois sculpté.
Organisation administrative à la française oblige, les tribus ont elles aussi dû se mettre à l'heure de l'intercommunalité, ou plutôt de l'intertribalité, avec la création de districts regroupant plusieurs tribus et dirigés par le "grand chef".
Mais cette tentative de regroupement trouve sa limite dans le fait que chaque tribu possède son propre dialecte. D'ailleurs, ironie de l'histoire, le seul moyen de communication entre deux tribus habitant deux vallées voisines est le français, qui représente finalement, avec la religion chrétienne, le principal trait d'union entre les tribus kanak.
Mais si chaque tribu a sa propre identité, elles respectent cependant toutes la "coutume", qui correspond à un code de conduite transmis oralement permettant de régir les rites et les échanges sociaux à l'intérieur du clan et avec les autres clans et de maintenir le lien avec les ancêtres.
L'échange de cadeaux est un élément important de la coutume car c'est ce qui permet de créer du lien social fondé sur un échange d'obligations mutuelles.
Aujourd'hui encore, même les "zoreilles" (Français de métropole) doivent "faire coutume" lorsqu'ils sont accueillis en tribu ou pénètrent dans la case du chef. Faire coutume consiste à glisser dans un morceau de tissu un petit billet et un paquet de cigarettes et de le remettre au chef de la tribu ou du clan en échange de son hospitalité.
La coexistence entre ce droit coutumier et le droit civil français n'est pas sans poser quelque difficulté au quotidien.
Ce qui n'était jusqu'à présent pour nous qu'un sujet de droit potentiel pour les concours (et sur lequel on faisait généralement l'impasse), est soudain devenu une réalite concrète : par exemple, on apprend dans le journal que, suite aux élections municipales, la nouvelle commission pour les affaires tribales de la ville de Bourail a fait connaissance avec les chefs kanak des tribus alentour.
Ou encore on découvre au supermarché un écriteau indiquant que "sur décision coutumière, la vente d'alcool est interdite le dimanche" !
Il faut avouer que cette cohabitation entre droit positif et droit coutumier est assez surprenante pour les Métros que nous sommes.
Déformation professionnelle oblige, on imagine la galère pour les fonctionnaires calédoniens dans la gestion au quotidien de cette dualité. Et que dire du directeur des finances qui doit se contenter d'un rendement de l'impôt local bien faible : il n'est évidemment pas question de lever une taxe d'habitation ou une taxe foncière sur une assiette qui n'existe pas, puisqu'il n'y a pas de propriété privée au sein de la tribu.
Mais bon, laissons ces problèmes de gestion locale à d'autres : la plage de sable blanc et le lagon turquoise nous attendent !