Minahasa, le pays où les girofliers poussent à l'ombre des volcans
Tomohon, Sulawesi, le 10 mai 2008,
Les Minahasa, fervents chrétiens vivant au milieu d'un pays majoritairement musulman, ont certainement du mal à interpréter les signes contradictoires que leur envoie le seigneur.
D'un côté, la région bénéficie d'une position géographique privilégiée et d'une nature généreuse.
Située à l'extrémité nord-est de Sulawesi, elle constitue l'un des plus somptueux finistères d'Asie, séparant la mer des Célèbes de la mer des Moluques, tout droit pointé sur les Philippines distantes d'à peine 500 km.
Le pays Minahasa, grâce à son climat équatorial et à ses sols volcaniques, possède par ailleurs des terres parmi les plus fertiles d'Indonésie. Avec ses superbes plantations de clous de girofle, de noix de muscade et de cocotiers, Minahasa offre déjà un avant-goût des Moluques, les îles aux épices, situées à 250 km à l'est.
Des cocotiers qui poussent le long de la côte, on extrait le fameux coprah, chair séchée de la noix de coco dont on extrait l'huile.
Les girofliers, eux, préfèrent s'épanouir en altitude, dans l'ombre des volcans. Le clou de girofle, c'est l'or des habitants Minahasa. Il est à l'origine des plus grandes fortunes de Sulawesi, quelques arbres suffisant à faire vivre une famille. Réduit en poudre, le clou de girofle sert notamment à la fabrication des Kréteks, délicieuses cigarettes dont le parfum entêtant embaume tout le pays.
Si Dieu a offert aux habitants du pays Minahasa une nature si généreuse, il ne se prive pas de leur rappeler que celle-ci est fragile et instable en provoquant régulièrement la colère de la douzaine de volcans actifs de la région.
Il nous a d'ailleurs été impossible de gravir le mont Lokon (1595 m) qui, après une éruption spectaculaire en 1991, est de nouveau en alerte.
On s'est consolé par d'agréables balades au pied des volcans autour de superbes lacs de caldeira (anciens cratères) aux eaux sulfureuses de couleur turquoise.
Dans les villages que nous traversons, nous sommes surpris par les nombreuses manifestations de ferveur chrétienne du peuple minahasa : églises et temples démesurés par rapport à la taille des villages, lanternes en forme de croix lumineuse sur les pas de porte des maisons, gospels frénétiques faisant penser à des séances de transe...
Le peuple minahasa cherche-t-il à travers ces manifestations de foi à apaiser la colère des volcans ou plus certainement à affirmer sa différence dans le plus grand pays musulman du monde ?
Il faut dire que les racines chrétiennes des Minahasa sont anciennes : premier peuple de l'archipel à avoir été en contact avec les Européens au début du XVIème siècle, les Minahasa ont été convertis au catholicisme par les missionnaires portugais et espagnols puis au protestantisme par les Néerlandais.
Autre différence que les Minahasa cultivent, notamment vis-à-vis de leurs voisins hindouistes de Bali pour qui tout animal est sacré, ils n'ont aucun tabou alimentaire et mangent absolument de tout : chauve-souris, serpents, rats et même les chiens.
Le marché du samedi à Tomohon, principale ville du pays Minahasa, est à cet égard particulièrement spectaculaire pour nous Européens. Les plus sensibles trouveront même que la scène flirte avec un film d'horreur !
Vite, allons nous réfugier entre les étals de fruits exotiques, mais cette fois, c'est l'odeur ammoniaquée du durian (gros fruit ovoïde hérissé de pics dont les Indonésiens raffolent en jus) qui nous prend à la gorge.
Restent les étals de poisson, finalement les plus flatteurs à l'oeil et au nez, tout du moins en cette heure matinale, car l'absence de glace pour les conserver promet une sacrée ambiance olfactive d'ici la fin de la journée...
