Malacca et Singapour : un détroit géographique pour un confluent culturel
Singapour, le 28 janvier 2008
Petite devinette pour commencer : quelle est la ville qui aligne dans une même rue une église anglicane, un temple hindou, une mosquée et un temple chinois ?
Réponse : Malacca la cosmopolite !
Etrange expérience que de visiter un temple hindou au rythme de l'appel du muezzin en provenance de la mosquée voisine, couvert de temps à autre par le claquement de quelques pétards annonçant dejà le nouvel an chinois à venir.
Le multiculturalisme, voilà ce qui caractérise avant tout celles que l'on appelle les villes du Détroit, Malacca et Singapour. Ports étapes sur les routes commerciales entre l'Inde et la Chine, elles ont attiré dès leur origine des commerçants de tous horizons, surtout des Arabes du Moyen-Orient et des Chinois de Chine méridionale. L'immigration indienne a été plus tardive, encouragée par les Malais qui appréciaient cette main d'oeuvre bon marché et voyaient là un moyen de rétablir un certain équilibre démographique par rapport aux Chinois de plus en plus nombreux.
Toutes ces communautés vivent encore aujourd'hui à Malacca et Singapour, chacune dans son quartier : Chinatown, Little India, Arab Street.
Les Européens ont bien entendu laissé également leur empreinte indélébile, surtout à Malacca qui a été successivement aux mains des Portugais, puis des Hollandais, et enfin des Anglais. Ainsi on retrouve aujourd'hui encore un moulin à vent sur la place principale de Malacca et une petite colonie d'environ 2000 Portugais qui parlent toujours la langue du 16ème siecle, incompréhensible même pour leurs lointains cousins restés en Europe.
Ouverture et tolérance sont donc les deux vertus cardinales des villes du Détroit. Mais qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit bien d'un melting pot à l'américaine et non d'une intégration à la française. Les différentes communautés de Malacca et de Singapour ne font que cohabiter : elles parlent chacune leur langue, habitent dans leur quartier et vivent selon leurs coutumes respectives. Elles ne se rencontrent que lorsqu'il y a du business à faire ensemble. D'ailleurs la qualité des relations intercommunautaires dépend avant tout de la bonne santé économique du pays. Dès que la crise se profile, les Malais, qui détiennent le pouvoir politique, et les Chinois qui tiennent les cordons de la bourse, ne sont plus d'accord sur rien.
Quant aux Indiens, faute de détenir un réel pouvoir, ils assistent amusés au match sino-malais.
Difficile donc de tirer des conclusions sur la vertu du modèle multiculturel malais et singapourien. Il est en tous cas assez déroutant pour nous Français qui nous cachons derrière notre sacro-sainte laïcité pour éluder la question du multiculturalisme qui est même devenue politiquement incorrecte.
En Malaisie, le concept de laïcité n'existe pas, mais la liberté religieuse est totale et tous les signes religieux distinctifs sont les bienvenus à l'école... Cela donne à réfléchir, non ?